Survol des thés japonais

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Ce mois-ci, je vous embarque pour un rapide tour d’horizon des thés japonais et de leur goût. Si vous vous êtes déjà demandé comment tel thé est cultivé, qu’est-ce qui fait la différence avec l’autre et qu’est-ce que tous ces noms japonais veulent dire ? Et bien, ça risque de répondre à vos questions. Bonne lecture.  

sencha japanese tea brew

SENCHA

Pour beaucoup d’amateurs, le thé sencha n’a déjà plus besoin d’introduction. Mais qu’on soit déjà familier ou non avec les arômes herbacés qui font sa réputation, l’occasion reste belle d’y jeter un regard un peu plus approfondi. 

Sencha signifie « thé infusé », un nom qui fait référence à la façon dont les feuilles sont préparées et consommées. Au XIIe siècle, lorsque la culture du thé a commencé à se répandre au Japon, les moines et les nobles (l'élite intellectuelle de l’époque) consommaient le thé en poudre plutôt qu’en feuille. La préparation de ce thé en poudre appelé matcha s’est progressivement ritualisée jusqu’à devenir une véritable cérémonie (le chanoyu ou Cérémonie du Thé). À l’opposé de cette noblesse, les fermiers et les ouvriers, eux buvaient le thé sous forme de feuilles libres, en le faisant infuser plutôt qu’en le fouettant. Pendant des siècles, la consommation du thé en feuilles a été considérée comme une forme moindre et grossière de préparation. Cela a bien évidemment changé avec le temps, mais je vous épargne ici un roman sur l’histoire du sencha et me contenterai d’aborder ce qui nous intéresse : comment produit-on le sencha et quelle est la différence entre les styles ?

La transformation du sencha implique nécessairement une étape de cuisson à la vapeur des feuilles après la récolte. C’est cet étuvage qui stoppe l’oxydation et permet d’éviter que les feuilles noircissent.

L’étuvage des sencha peut être court, moyen ou long selon le style et, tout dépendant de son intensité, avoir un impact majeur sur le goût et l’aspect du thé.

Style asamushi : étuvage léger. Le goût du sencha reste très vert et vif avec des arômes dominants d’herbe fraiche. Les sencha asamushi ont tendance à donner une infusion plutôt jaune que verte avec un certain degré d'astringence.

Style chuumushi/futsumushi : étuvage régulier. Le thé s'adoucit et prend un profil « vert » plus dense et plus profond. Les quelques secondes de vapeur ajoutées donnent à ses arômes secondaires davantage d’expression avec une astringence et une amertume généralement équilibrées.

Style fukamushi : étuvage long. Le goût passe de « léger et vif » à « riche et dense ». La cuisson prolongée à la vapeur produit des thés francs avec des arômes intenses. Elle brise également souvent les feuilles qui donneront une infusion opaque et trouble.

GYOKURO

Le gyokuro est certainement le meilleur représentant des thés d’ombre japonais (bien que le matcha soit aussi cultivé sous ombrières, il n'est pas forcément connu pour cela). Pour ombrer les théiers, il faut construire une canopée de paille ou de toile synthétique servant à bloquer la lumière et réduire la photosynthèse des plantes. Cette couverture d’ombre provoque un changement moléculaire dans les feuilles de thé qui n’ont pas le choix de s’adapter ainsi au manque d’ensoleillement. `

Traditionnellement, les gyokuro sont ombragés de trois à quatre semaines avant la récolte. Ce délai permet au thé d’exprimer avec force la superbe saveur umami pour laquelle on le célèbre tout en diminuant son niveau d’amertume et d’astringence en retour. On peut ainsi en faire une infusion très concentrée, d'une intensité aromatique quasiment inégalée dans d’autres familles de thé. J'aime dire que boire un bon gyokuro s'apparente à boire un bon scotch : l’expérience est intense et extrêmement mémorable.

KABUSECHA

Les kabusecha (qu’on traduirait par “thé couvert”) font également partie de la famille des thés ombragés du Japon. Placés sous ombrières de 7 à 14 jours, ils se situent essentiellement à mi-chemin entre les sencha et les gyokuro, tant au niveau de la production que du profil gustatif. D’un côté, ils présentent une clarté aromatique très herbacée qui rappelle le sencha alors que de l’autre, ils affichent aussi une astringence réduite et un certain degré d'umami.

MATCHA

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Un autre thé japonais qui n'a plus besoin d’introduction. De plus en plus, on en entend parler : on en apprend sur ses bienfaits et sa culture, on essaye ses recettes, déguste ses lattés, on découvre ses rituels et sa cérémonie, mais on parle encore relativement peu de ce qui fait sa qualité et différencie les nombreux grades qu’on trouve sur le marché. À la base, le matcha est un thé vert réduit en poudre. Et lorsqu’on parle d’un matcha bas de gamme, il ne s’agit malheureusement que de cela. Outre les différentes pratiques agricoles et environnementales, il se trouve aussi bon nombre d’aspects techniques qui peuvent jouer sur la qualité du matcha. La culture sous ombrière par exemple, qui permet de concentrer ses parfums, de réduire son amertume et son astringence, en est une. La cueillette manuelle, le triage des feuilles, la mouture très fine et lente (pour éviter toute chaleur dans la transformation) en sont d’autres. Et dans le cas de matcha haut de gamme, la transformation comprend également un processus de “déveinage”, c’est-à-dire qu’on retire de la feuille toutes les parties tigeuses pour ne garder que les tissus les plus tendres. L'élimination des parties les plus grossières garantit une saveur douce et faible en faible amertume, une caractéristique essentielle des matcha de haute qualité qui sont bus sous une forme extrêmement concentrée.

Contrairement aux thés infusés, le matcha est simplement dilué dans de l'eau puis rapidement fouetté. Ce que l’on boit, avec le matcha, ce ne sont pas les composés aromatiques des feuilles extraits par l’eau chaude, ce sont les feuilles elles-mêmes. Le matcha préparé de manière traditionnelle offre une expérience de dégustation particulièrement intense qui n’est pas facile à apprécier sans un certain degré de familiarité préalable. C’est pour cette raison qu’on le préfère généralement dans une version allongée plus facile à boire comme le latté.

KUKICHA

Parfois aussi connu sous le nom de bocha (“thé bâton”), le kukicha est un mélange de feuilles et de tiges généralement destiné à la consommation quotidienne et qui se vend à faible coût. Dans les jardins de thé, lorsqu’on récolte les feuilles à la machine, on se retrouve avec un tas de brindilles à trier pour arriver à produire des sencha de qualité. La plupart du temps, ces brindilles de thé sont vendues séparément (ou mélangées avec des feuilles de qualité inférieure) sous le nom de kukicha. L’infusion de kukicha est facile à boire et contient généralement moins de caféine que celle du sencha.

BANCHA

Le plus souvent, le terme bancha fait référence aux thés de type sencha fabriqués à partir des récoltes d'été ou d'automne (qu’on considère de qualité inférieure). Ils incluent souvent quelques brindilles, car on met peu d’effort à les trier et les affiner. À l’image du kukicha, le bancha est souvent considéré comme une commodité à boire au quotidien et à peu de frais. Dans certaines régions cependant, le terme bancha désigne une production de spécialité locale souvent rôtie, bouille, voire même fermentée.

 
Japanese green teas set of 4 leavesJapanese green teas set of 4 brew
 

TAMARYOKUCHA

Spécialité régionale de l'île de Kyushu, le tamaryokucha se présente sous deux formes : étuvé (mushisei-tamaryokucha que nous appellerons ici simplement tamaryokucha) ou chauffé au wok (kamairisei-tamaryokucha, ou tout simplement kamairicha).

Le tamaryokucha ressemble au sencha à bien des égards, y compris au niveau du goût et des méthodes de production. Mais alors que les feuilles de sencha ressemblent à des aiguilles en raison de leur roulage final, le tamaryokucha, lui, est séché sans roulage, ce qui donne à ses feuilles la forme de virgules. Cette différence dans la transformation donne au tamaryokucha un profil plus riche et plus rond que la majorité des sencha.

KAMAIRICHA

Le kamaircha se distingue comme étant le seul thé vert japonais n’utilisant pas de vapeur dans sa transformation. À la place, pour arrêter l’oxydation des feuilles, on utilise de grands woks en fer pour les chauffer “à la chinoise”. Ce genre de chaleur directe donne au thé un goût très rond pratiquement dépourvu d’astringence.

Selon la température des woks et la durée de la dessiccation, le kamairicha peut présenter un éventail d’arômes assez large allant du légume vert aux noix rôties.

Genmaicha

GENMAICHA

Genmai signifie “riz” en japonais. Donc genmaicha est “thé au riz”, ou thé avec du riz. Le plus souvent, pour produire du genmaicha, on utilise du bancha (ou un sencha de basse qualité) auquel on ajoute des grains de riz torréfiés. Traditionnellement, on le produisait à l'automne pour aider le thé à conserver ses arômes durant l'hiver et offrir un peu de réconfort durant la saison froide.

Hojicha

HOJICHA

Le hojicha est un thé torréfié qui, comme le genmaicha, était à l’origine considéré comme une boisson “saisonnière”. Le processus de torréfaction du hojicha aide à caraméliser les aromes du thé pour prévenir son éventement et ralentir la perte de saveurs qui s’opère au courant de l’hiver. Le plus souvent, le hojicha est fabriqué à partir de feuilles de qualité inférieure comprenant majoritairement des tiges.

THÉ NOIR

Le thé noir (wakocha en japonais) a une histoire relativement courte au Japon qui est étroitement liée aux périodes d'occupation que le pays a connues suivant ses années d'isolement (de 1639 à 1853). Il n'y a pas de méthodes fixes pour produire du thé noir au Japon et certains ressemblent davantage à des thés de style chinois (avec leurs feuilles frisées et leurs arômes maltés), tandis que d'autres ont une touche plus “Darjeeling” (avec des bourgeons plus visibles et des arômes plus légers). Cependant, la demande de wakocha n'a cessé d'augmenter ces dernières années et les agriculteurs commencent à voir dans ce style de transformation une opportunité de valoriser leurs récoltes d'été et d'automne.

THÉ OOLONG

La production de thé oolong est assez récente au Japon, mais elle gagne rapidement en popularité. Je suis certain que nous en verrons venir beaucoup plus de nos producteurs dans les années à venir. Surtout depuis que plusieurs ont tourné leur attention vers les marchés occidentaux et découvert une demande croissante pour ce type de thé. L'industrie japonaise débutant tout juste à produire des oolongs, les techniques de cueillette et de transformation ne sont pas encore bien établies, de sorte que les thés varient considérablement d’un producteur à l’autre.

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