Exposition : Manon Clouzeau
AUBETERRE-SUR-DRONNE, FRANCE
« La céramique est une évidence pour moi. C’est ma base, ma sécurité, ce qui me permet d’être. C’est une passion qui s’incarne dans mon quotidien. »
« J’ai commencé la céramique très jeune. J’avais 10 ans. Je faisais de la sculpture dans un atelier pour adultes parce qu’il n’y avait pas d’atelier pour enfants là où j’habitais. J’aimais beaucoup faire des copies, reproduire en trois dimensions les images de statuettes que je trouvais dans des encyclopédies. À l’âge de 13 ans, j’ai fait un stage d’une semaine chez Brigitte Larcher, potière du village à côté de chez ma grand-mère. C’est là que j’ai appris à tourner. Ç’a été une très belle expérience. Ça m’a donné envie de faire ça. Je savais que ça serait difficile, mais je savais aussi que j’y arriverais. Ça m'est apparu comme une évidence.
Et puis Brigitte m’a prêté un tour et j’ai commencé à pratiquer dans la cave chez mes parents jusqu’au moment où je suis partie pour Bruxelles faire mes études en céramique. J’ai étudié à Paris, puis à Bruxelles et à Genève. Ensuite j’ai travaillé deux ans installée dans le garage chez mes parents. C'était très confortable, près de Paris, sans frais, ce qui m’a permis de me concentrer sur mon travail et de faire quelques expositions. En 2013, j’ai appris que Brigitte partait à la retraite et vendait sa maison. J’ai acheté et je m’y suis installée en 2014. C’est un très bel espace avec beaucoup de lumière. Aubeterre-sur-Dronne est un village touristique et je suis située juste en face d’une très belle église.
« J’aime observer et me nourrir de toutes les étapes de transformation : du mou au dur, du rugueux au doux, du blanc à la couleur, de l’informe à la forme, du rêve au réel. »
Depuis 8 ans maintenant, je travaille comme potière à temps plein. Être entièrement autonome financièrement en faisant des bols est quelque chose qui me surprend et m’étonne toujours. Il y a une forme d’abondance pour moi dans ce travail. J’éprouve une très grande reconnaissance, du fait de posséder ce savoir-faire, mais également du plaisir que les autres éprouvent dans l’utilisation de mes bols.
« La céramique est un art de l’instant, du geste et du ressenti. Avec sensibilité et ténacité, je travaille pour que ce savoir-faire et ma créativité prennent vie et puissent s’inscrire dans nos quotidiens. »
J’ai fait beaucoup d’installations et de sculptures durant mes études, des choses qui n’étaient ni en relation avec le thé ni même avec l’utilitaire. Mais durant ma dernière année, en 2012, je me suis concentrée uniquement à faire des bols et surtout des tout petits. C’était d’abord pour apprendre à tourner et m’exercer avec les émaux.
Je ne savais pas du tout qu’il y avait des gens qui buvait le thé dans de si petites tasses, ni le saké d’ailleurs, et tout le monde me disait, mais à quoi ça sert? Pourquoi tu fais des choses aussi petites? Je ne savais pas trop et je répondais que j’avais envie de ça. Et un jour, un Japonais m’a dit que c’était le format parfait pour boire le saké ou pour boire le thé. Et ça m’a vraiment soulagée.
À l’université, un jour, un professeur m’a servi un thé. Comme nous n’avions pas de théière, il a fait, avec deux bols, un grand gaiwan géant et m’a dit que c’était comme ça qu’on infusait en Chine. C’était tellement bien. Cette scène s’est incrusté dans un petit endroit dans ma tête et je me suis dit qu’un jour je ferai des gaiwans.
« Un bol réussi, ou un travail réussi, vient toucher une autre personne dans sa sensibilité et lui fait du bien ou lui apporte quelque chose dont il a besoin. Que ce soit de la beauté, du réconfort, une réflexion, peu importe. »
Je ne pratique qu’un seul style de céramique : les bols. Parce que j’aime profondément cette forme-là.
Je suis dans une pratique très, très simple parce que j’aime la simplicité.
Avec un bol, j’arrive à faire un gaiwan ou une verseuse, juste en adaptant les courbes ou en ajoutant un petit coup de doigt sur le bec. Pour moi, c'est merveilleux.
En 2017, j’ai exposé pour la première fois des gaiwans. Après, tout s’est accéléré. C’est un petit univers qui s’est ouvert et aujourd’hui, cette pratique fait vraiment partie de mon quotidien. Il y a énormément de rencontres qui se font autour de ça. Boire du thé avec certaines personnes et voir le plaisir que les gens ont à boire dans mes bols me donne envie de continuer à affiner mon travail, à me perfectionner. C’est le va-et-vient entre la céramique, le thé et les rencontres qui m’inspire à faire ce genre d’objets.
Je découvre aussi que je fais un peu la céramique comme un calligraphe chinois travaille la calligraphie. C’est-à-dire que je passe beaucoup de temps à nettoyer, à me centrer, à être en accord avec mon intériorité. Une fois que je suis là, alors je vais tourner ou émailler. Ce sont des gestes très rapides et très précis qui sont en fait le reflet de mon intériorité. La simplicité, le geste simple, juste et rapide, me convient très bien. La répétition aussi.
« Un pot doit faire du bien. Il doit apporter la fonction si c’est pour être utilitaire et il doit permettre à celui qui l’utilise ou est avec d’éprouver du plaisir. »
Pour moi, les mains sont reliées au cœur. Je crois vraiment qu’il y a quelque chose qui passe entre le cœur et les mains. Quand on est relié à cet endroit-là et qu’on travaille avec cette énergie-là, ça passe à travers l’objet. C’est presque magique. Ça m’étonne toujours, mais les gens le ressentent profondément. C’est comme si je diffusais des petits objets magiques à travers le monde. Je ris, et cela me touche profondément.
J’ai beaucoup appris et développé l’ancrage dans ma relation avec la céramique. Avec le tournage comme avec le thé, qui sont des formes de méditations, je travaille l’ancrage qui me soutient dans tout ce que je fais. La confiance aussi, que j’éprouvais déjà au contact de la matière, je l’ai beaucoup développée dans mon travail. C’est ce qui m’a permis d’aller très vite à plein d’endroits à la fois. Plus la confiance s’installe et plus j’ai de joie à l’intérieur de moi et plus je peux la partager avec les autres. C’est un cadeau très grand, la confiance.
J’ai trois critères pour créer des variations : changer l’émail, changer la terre et changer le mode de cuisson. Pendant mes quatre premières années, je travaillais avec la même température de cuisson, la même terre et je variais les émaux. Ça m’a permis d’apprendre beaucoup de choses sur l’émail. Après, je me suis mise à varier les terres. Donc aujourd’hui je travaille avec plein de terres différentes. Je les mélange, j’apprends comment provoquer d’autres variations. Toutes les terres ont leur caractère. J’aime la cuisson électrique parce qu’elle est simple et rapide. Elle me permet de dégager beaucoup de temps pour me concentrer sur autre chose, sur des choses que j’ai besoin de développer.
Je fabrique mes émaux moi-même avec juste quelques matières premières très simples : kaolin, craie, silice, feldspath, cendre de végétaux… je ne rajoute aucun oxyde métallique dans mes émaux, mais je joue avec les oxydes naturellement présents dans la terre pour obtenir des variations de couleurs. J’aime aussi beaucoup jouer sur les rapports de texture. J’ai des recettes de base auxquelles j’ajoute des choses ou mélange des matières premières en une multitude de dégradés qui sont codifiés sur mes bols. J’avance comme ça au fur à mesure du temps et des années. »
« Si j’avais un souhait pour l’avenir, je souhaiterais que toutes les personnes qui désirent travailler avec l’argile et en faire leur métier trouvent assez de confiance en eux et autour d’eux pour pouvoir incarner ce is beau métier dans notre monde. Je donne aussi de l’énergie pour ça. J’accueille quelques personnes à l’atelier pour transmettre ce savoir. À ma mesure, qui est toute petite, mais je le fais comme je peux. »
MANON CLOUZEAU
AUBETERRE-SUR-DRONNE, FRANCE
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